48h00 Azimut : Défi tenu
« Instable, intense, complet, intéressant, douloureux, jouissif, magique, engagé… » Depuis 6h18 ce samedi et la victoire du duo Beyou-Cammas (Charal) sur les 48 Heures Azimut, les qualificatifs tout en contrastes s’accumulent au rythme des arrivées qui se succèdent pourtant à toute petite vitesse au ponton de Lorient La Base.
Ce matin, les petits airs soufflant péniblement aux abords de la ligne cachent mal les conditions musclées qui ont donné le tempo sur le gros des 600 milles au programme. Au-delà du podium que complètent, en 2h15, les équipages de MACIF - Santé Prévoyance (Dalin-Bidégorry) et de For the Planet (Goodchild-Ruyant), le dénouement de la grande course du Défi Azimut - Lorient Agglomération révèle l’homogénéité du plateau de marins et de bateaux, réuni sur cette 13è édition. Pour toutes et tous, la satisfaction d’avoir livré un sprint hauturier riche d’enseignements, mêlé au plaisir de régater dans la brise, l’emporte à cinq semaines du départ de la Transat Jacques Vabre.
À retenir
• Des favoris qui tiennent leur rang à bord de foilers aboutis ou très prometteurs
• De très belles prestations de bateaux plus anciens à commencer par For The Planet (3ème) mais aussi Teamwork (6ème)
• La moitié de la flotte encore en course et des écarts considérables à l’arrivée qui ne reflètent pas le match très serré en tête de course
Du vent, de la mer, du sport… Cette année encore, dans les conditions de brise générées par un système dépressionnaire automnal sur le proche Atlantique, la course offshore de cette rentrée de la classe IMOCA a donné lieu à une confrontation au large de très haute volée. D’abord, il y a les vainqueurs qui signent une course tout en maîtrise face à des concurrents immédiats qui ne leur ont pourtant pas rendu la partie facile. De toute évidence, l’alchimie du duo Beyou-Cammas fonctionne pour révéler le potentiel et la polyvalence de son plan Manuard. Cette victoire sur un format de course taillé pour étrenner les montures sous toutes les allures fait du bien à cette paire de marins, qui a très bien optimisé Charal et mérite son statut de solide favori sur les rangs de la prochaine transat en double.
Il en va de même pour le 3e, For the Planet, qui a su miser sur la fiabilité d’un bateau affichant déjà un Vendée Globe au compteur, pour jouer sur tous les tronçons aux avant-postes. Avec en prime le plaisir de partager les sensations offertes par une navigation dans la brise par deux partenaires d’écurie. « Je me suis régalé ! On a eu des conditions que le bateau aime bien, il est optimisé et on sait jusqu’où on peut aller et le fait d’être deux est très agréable, » déclarait Thomas Ruyant, ravi de sa position aux premières loges pour mesurer les performances de ses concurrents aux côtés de Sam Goodchild. À commencer par celles de Paprec Arkéa, sorti des mêmes planches à dessins des architectes Koch-Finot Conq que le bateau qu’il alignera sur la Transat Jacques Vabre.
Le prix de la vitesse, le coût de la performance
En 4e position, les complices du voilier rouge et bleu peuvent en effet se féliciter d’avoir mené une belle course à bord de l’un des derniers nés de la flotte qui affiche une vraie appétence pour les conditions musclées. « Dès que cela dépasse 18-20 nœuds de vent, on est vraiment dans notre domaine, et peu importent les allures, » affirmait avec une satisfaction non dissimulée Yoann Richomme, aux côtés de Yann Eliès, tout aussi content. « C’était assez jouissif. Certes, quand on sort de là, on est un peu cassés, mâchouillés. Mais quand on arrive à tirer sur le bateau et à le faire marcher correctement, c’est magique, » lâchait celui qui a déjà accroché une victoire en IMOCA à la Transat Jacques Vabre à son palmarès, bien placé pour apprécier les gains de performance affichés par les plus récentes unités de la flotte. Sensations fortes garanties à bord de ces bateaux, flashés à 30 nœuds de moyenne sur le bord de reaching du parcours qui a tenu ses promesses durant la première nuit.
Mais la vitesse a un prix. Celui de l’inconfort à bord de ces machines capables d’accélérations époustouflantes, qui malmènent les marins, sommés de redoubler de vigilance, surtout quand la mer se renforce. La mésaventure vécue par Pascal Bidégorry - un doigt cassé et un choc violent à l’épaule dans un planté au portant - à bord du nouveau MACIF - Santé Prévoyance, en témoigne. Ces blessures douloureuses, mais heureusement sans gravité, subies par le marin basque, révèlent par ailleurs le niveau de maîtrise affiché par son co-skipper, Charlie Dalin. Le vainqueur en titre du Défi Azimut, qui a dû naviguer en solitaire pendant que son co-skipper récupérait, est malgré tout parvenu à se hisser sur la deuxième marche du podium de ces 48 Heures. Jolie perf !
Des retours au port contrastés
La rugosité du cru 2023 de ces 48 Heures se mesure aussi à l’aune du malheureux démâtage, survenu dans le fameux et fumant bord de reaching sur une mer cassante, à bord de Corum L’Epargne. Ce midi, le retour au port du voilier de Nicolas Troussel et Benjamin Schwarz, privé de son espar, illustre que la course au large à bord d’un IMOCA dernier cri reste un sport mécanique de haute technologie, avec tous les aléas que cela engendre. Le coup est dur pour cette équipe qui réceptionne ce bateau blessé alors que les arrivées d’un nouveau groupe de concurrents animent les pontons de Lorient La Base et Kernevel.
Honneur aux femmes de la course, Samantha Davies (Initiatives-Cœur avec Jack Bouttel) et Justine Mettraux (TeamWork avec Julien Villion), respectivement 5e et 6e, que seules cinq minutes séparent sur la ligne. Ces candidates au prochain Vendée Globe ont livré un duel d’une belle intensité dans le dernier bord de près. Une chose est sûre, elles sont très fortes dans tous les compartiments du jeu : au large dans la brise, comme en régate au contact dans des petits airs.
Sur le plan d’eau en milieu d’après-midi, le vent de sud commence à rentrer et permet enfin aux autres concurrents de rejoindre à leur tour le port. Bienvenue à Malizia - Seaexplorer (Herrmann-Harris), V and B - MONBANA - MAYENNE (Sorel-Pratt), Fortinet - Best Western (Attanasio / Loïs Berrehar) et L’Occitane en Provence (Crémer-Roberts) qui composent le top ten de cette course de 48 Heures tout en contrastes. Les gros écarts qu’ils affichent aux arrivées n’illustrent en rien le niveau de compétitivité dont ils ont fait preuve tout au long de cette preuve offshore…