À bord de l'IMOCA Campagne de France avec Miranda Merron

45 milles, c’est ce qu’il nous reste à parcourir ...

45 miles, c’est ce qu’il nous reste à parcourir en cette fin de matinée. Quelques heures encore, si adonnantes et refusantes nous sont favorables et que le vent décide de continuer à rafraîchir le littoral breton en plein été indien.

Mais l’essentiel est là, j’ai perdu la notion du temps. Cela me fait toujours cela quand je pars naviguer. De longues heures à glisser sur la houle atlantique, aussitôt j’ai l’impression que le temps n’existe plus et que ce matin les côtes brésiliennes vont surgir à l’horizon.

C’est un étrange boulot médiaman. Coincé entre un J5 encore trop mouillé et une caisse de matossage qui vous cisaille le dos, il faut dérusher, classer, ranger et extraire ce que l’on est allé chercher à la limite de l’équilibre et de l’humidité sur le pont de ces machines.

Dormir dans une caisse de guitare qu’un musicien fou taperait régulièrement sur scène et rester spectateur de l’harassant ballet du skipper sans pouvoir intervenir.

Mais quand vous êtes à bord avec Miranda et que votre veilleur n’est autre qu’Halvard, l’expérience se transforme vitre en succession de petits bonheurs. Partager un porridge céréales avec une britannique, se réchauffer les mains avec un thé brûlant, tout est ici fait pour mettre à l’aise l’invité. Ce couple fusionnel est une bibliothèque de connaissances sur le monde marin et la course au large. Je ne sais si quelques heures de veille suffiront à étancher ma soif de connaissance et la verve de Monsieur Mabire. On sent le regard bienveillant qu’ils portent l’un sur l’autre à chaque instant et l’humain ici prend vite le pas sur la performance.

Alors certes au moment où j’écris ce texte les premiers seront prêt à franchir la ligne que nous fermerons, mais pour rien au monde je ne me priverais de ces quelques heures supplémentaires à contempler la mer en leur compagnie.

 

Bertrand Duquenne