Rien n'est joué, verdict à l'aube
Trois abandons dont un démâtage, quatre leaders séparés de moins de 5 milles, un gros match en milieu de peloton… Ces 48 Heures Azimut s’avèrent exigeantes et tiennent toutes leurs promesses sur le plan sportif. Alors que les leaders sont attendus demain matin sur la ligne d’arrivée, retour sur 30 heures de course de haut niveau.
A retenir :
- 30 bateaux encore en course suite aux abandons de Corum l'Épargne, STAND AS ONE et Nexans-Arts & Fenêtres.
- Charal toujours aux commandes, mais les quatre premiers groupés en 5 milles.
- Bout dehors cassé sur Biotherm à l’heure où nous bouclons ces lignes. Meilhat-Lobato terminent en course ces 48 Heures Azimut, qualificatives pour la Transat Jacques-Vabre
- Gros niveau sur l’eau et débats de haute volée toute la journée à la Cité de la voile Eric Tabarly.
Il s’en est passé des choses depuis le départ de ces 48 heures Azimut hier à la mi-journée. A commencer par ce premier bord de près de 100 milles, difficile à négocier entre les lignes de grains et dans une mer plus forte que le vent, des conditions qu’apprécient très modérément les IMOCA. Et très variablement car avant l’arrivée sur le Way Point Azimut 1, trois bateaux sortaient du lot et avaient fait un premier trou au moment d’ouvrir les voiles : Charal (Beyou-Cammas), For The Planet (Goodchild-Ruyant) et Macif Santé Prévoyance (Dalin-Bidégorry)…
Un début de course très sélectif
Le long bord de reaching offrait plutôt moins de vent mais toujours pas mal de mer. A cette allure tapageuse, la cadence s’accélérait et alors qu’il était aux portes du top 10, Corum L’Epargne annonçait son démâtage à la direction de course à 1 h 30, sans dommage heureusement pour Nicolas Troussel, Benjamin Schwartz et leur mediaman Tanguy Conq… Un coup de tonnerre dans la nuit pour ce team qui ne dispose pas de mât de rechange mais dont on connait la détermination et qui cherche déjà une solution pour être au départ de la Transat Jacques Vabre, avant le retour au port du bateau demain dans la journée…
Les déboires et avaries d’autres IMOCA - électronique HS sur STAND AS ONE, et voie d’eau pour Newrest Art&fenêtres - entraînait deux autres abandons pour une flotte réduite à 30 bateaux au petit matin.
Entre temps, le bord de reaching qu’on aurait pu croire formalité, recélait de nombreux pièges. Avec pour commencer un vent plus faible pour les duos tentés de monter sur la route à l’Ouest et encore de nombreux grains et quelques molles difficiles à anticiper. A ce jeu, les traces les plus rectilignes étaient récompensées. Macif Santé Prévoyance enroulait le Way point Azimut 2 en tête, Malizia-Seaexplorer (Herrmann-Harris) et Biotherm (Meilhat-Lobato) faisaient leur entrée dans le top 10, et Teamwork (Mettraux-Villion) se hissait à la sixième place, à quelques milles d’un autre double mixte brillant depuis le départ, Initiatives coeur (Davies-Bouttell).
Les filles en forme
Après le très bon début de course de l’Occitane (Crémer-Roberts), les filles ne manquaient d’ailleurs pas se faire remarquer également dans le match qui oppose les bateaux à dérives puisque la jeune Violette Dorange s’accrochait au tableau du leader Lazare pour une entrée en scène très réussi en IMOCA.
Après 20 heures de course en mode casque lourd, les équipages pouvaient commencer à savourer les premières grandes glissades sous gennaker et profiter du soleil revenu sur le proche atlantique. Pas de quoi faire sécher les cirés car la mer reste formée au coeur du golfe de Gascogne. Une occasion parfaite en revanche pour jauger le potentiel des nouveaux foilers conçus pour tenir des vitesses élevées dans la mer du large.
Mais pour l’heure, les grains sont encore le juge de paix de ces 48 Heures. Coincé dans le sillage d’un gros nuage, Macif Santé Prévoyance ralentit et voit repasser devant Charal alors que Paprec Arkea s’invite dans le jeu de tête en glissant bien sous le vent de la flotte. La triplette aux commandes se change en quatuor. Plus on est de fous, plus on rit, dit l’adage. Pas sûr qu’il amuse tant que ça Jérémie Beyou et Franck Cammas (Charal) qui ont tenu toute la journée d’une main de fer le long bord de portant de ces 48 Heures Azimut. Car une fois passé le Waypoint Azimut 3, il va leur falloir contrôler au louvoyage pendant près de 200 milles la remontée vers Lorient. A l’heure où nous bouclons ces lignes et au passage de la bouée virtuelle située à la latitude d’Arcachon, le foiler noir est suivi comme son ombre de For The planet. Macif Santé Prévoyance et Paprec Arkea, ne sont pas loin : les quatre leaders se tiennent en 5 petits milles !
200 milles de contrôle
Difficile d’imaginer que la victoire échappe à l’un de ces quatre bateaux désormais. D’autant que comme l’autorisent les Instructions de course, les concurrents ont été informés en début d’après-midi, avant le passage du Waypoint 3, que le Waypoint 4 était supprimé… C’est donc un retour direct vers Lorient qui se prépare pour la soirée et la nuit. Le vent devrait doucement faiblir en restant calé au Nord-Nord-ouest et les leaders pourraient regagner Lorient La Base avant le petit matin.
Derrière, le match est très indécis entre une dizaine de bateaux qui s’approchent de la bouée par des routes très divergentes. Partis en éclaireurs tribord amûres dans le Sud ce matin, La Mie Câline (Boissières-Véniard) et MACSF (Joschke-Gautier) ont refait une partie de leur retard et s’invitent à la fête autour de la dixième place pour une partie complètement relancée à douze heures de l’arrivée…
De l’écume et de la matière grise
Pendant ce temps-là à Lorient La Base, un public nombreux est venu assister ce vendredi aux conférences sur l’Intelligence Artificielle appliquée au routage océanique, aux progrès des sources d’énergie non fossile à bord des IMOCA et aux développements des foils. Des sujets techniques, évoqués par de nombreux intervenants de la Sailing Valley, en pointe sur ces sujets.
Encore tiède de ces bouillonnements de matière grise, l’auditorium de la Cité de la Voile Eric Tabarly accueillera ce soir à 20 heures l’échange entre Romain Troublé, directeur de Tara et le skipper Thomas Coville sur le thème : « Nous avons tous une part d’ océan en nous ».
Et il faudra se coucher tôt car les premiers IMOCA pourraient pointer leurs étraves sur la ligne mouillée au large de la pointe du Talud dès 5 heures demain matin selon les dernières ETA.
DÉCLARATIONS
Tanguy Le Turquais (Lazare), par message vocal reçu à 11h15
« On est arrivé à Azimut 2 après un bord de sangliers. C’était génial, on a foncé dans la nuit sous les étoiles. On était sous J2, GV haute à 20 nœuds de moyenne. Cela peut paraître ridicule par rapport aux foilers, mais pour nos petits bateaux à dérives, c’était super rapide. La nuit a été profitable. On est bien remonté sur notre ami Benjamin Ferré ; et sur Oliver Heer qui avait bien navigué au près, et qui était passé devant nous à Azimut 1. On a enroulé Azimut 2 en tête des bateaux à dérives, avec Violette (Dorange) et Benjamin, tout proches. Là, on va plutôt aller chercher dans le sud pour rejoindre Azimut 3, avec l’objectif de toucher un peu plus de pression, parce qu’on n’a pas de spi, mais un grand gennaker. Les bascules de vent nous permettent de faire ça, en espérant rester au contact de nos copains à dérives. Après le remontée, ce sera une autre histoire. On fonctionne tronçon par tronçon.
Là, on file, on est à 17 nœuds en ce moment. Il fait beau, même si on voit des gros passages de grains qui rendent le vent très instable. Mais ce n’est pas désagréable, on règle les voiles. La mer est très formée ; on fait de très chouettes surfs. Franchement, on se régale ! »
Gérald Veniard (La Mie Câline), par message vocal reçu à 12h :
« Entre Azimut 1 et Azimut 2, on a fait une trajectoire assez proche de la route directe, peut-être même un peu en dessous. Elle a porté ses fruits, puisqu’on a eu la bonne surprise de croiser l’Occitane, V&B - MAYENNE, et de croiser devant Maître CoQ. Et d’être revenus au contact d’un groupe qui nous semblait loin devant. Visiblement, ce groupe a lofé et a rallongé un peu sa route.
Mais cette nuit, peu après la bouée Azimut 1, on a failli s’emplafonner le bateau Corum qui avait démâté. Il n’était plus visible à l’AIS (Automatic Identification System). Je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’un bateau démâte. Il y avait 20 nœuds de vent, mais du vent bien lourd, parce qu’on allait parfois à 30 nœuds. J’étais sous la casquette en train de régler le bateau dans les surfs, sans aucune visibilité devant. Et soudain, j’ai eu la sensation qu’un projecteur m’éclairait par l’extérieur. A quelques longueurs, il y avait un bateau à l’arrêt. J’ai réussi à comprendre que cela pouvait être Corum. Je les ai appelés à la VHF… Je n’ai pas trop continué la conversation. J’avais les boules pour eux, mais j’ai surtout voulu prévenir MACSF qui arrivait derrière.
Là, on est au portant. Il y a eu des rayons de soleil, mais ça se recouvre. On arrivera à Azimut 3 dans la soirée. Et après, ce sera du petit temps. Ce sera très long la remontée vers Lorient. »
Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), par message vocal reçu à 14h15 :
« Dans le bord de reaching, on a pris la tête, parce qu’on avait une bonne vitesse ; et peut-être parce qu’on avait un peu plus de vent dessous. Sur le portant, ce sera intéressant de voir quelle configuration de voiles ont les autres. Ce qui est sûr, c’est qu’on a beaucoup ralenti. On a pris un grain. On était juste derrière son sillage, on avançait avec lui. On a perdu pas mal de terrain à ce moment-là. Le vent est quand même pas mal cisaillé sur le plan d’eau. »